L'Eclipse de Gyllene Draken. Pablo Martínez Burkett


Gyllen Draken
Alors, furieux contra la Femme, le Dragon s’en alla guerroyer contre le reste de ses enfants”
Apocalypse, 12:17
Pablo Martínez Burkett
Mater avait toujours aimé s’exprimer par énigmes. Quand je lui demandai ce qu’était l’home, elle me répondit que moi, j’étais la substance dont toutes les choses sont faites. Et lorsque ma voix tonna pour protester contre la procession des moutons, des bœufs et des chevaux, elle me rappela que j’étais prêtre. Quoi qu’il en soit, je préfère officier avec des demoiselles. Les cris des gens ont beau me pousser à poursuivre, j’admets que les tremblantes concélébrantes elles-mêmes ne parviennent pas à atténuer mon dégoût. Pour m’amuser, je changeais parfois l’ordre des actes propitiatoires, faisant la sourde oreille à l’admonition ancestrale. Mater désapprouvait, mais, résignée, m’aidait avec son souffle. Ils étaient tous tellement soulagés qu’ils ne remarquaient pas les altérations infligées à la sainte offrande. Je fus bien insensé de désirer ainsi que quelque chose change! Il est vrai que j’atteignis une certaine forme d’exaltation en me reconnaissant dans le drakbåt qui transportait a l’indivisée Ingerged, fille de Bjørnulf. À la vue de la proue, je me sentis gagné par une effusion de feu. Mater ne cachait pas sa joie. Je ne doute pas qu’en son for intérieur, elle se félicitait de notre déménagement sur l’île de Torshammar. Là, elle abdiqua son nom millénaire pour devenir Mors Eld, comme l’appelaient les villageois. La vanité causa notre perte.
Nous ne sûmes pas voir les invocations stériles de Bjørnulf, l’Enchanteur. Nous ne sûmes pas déchiffrer le décret du perfide Roi Knut et son appel universel. Et nous ne remarquâmes pas le chevalier sur sa monture blanche, jusqu'à ce qu’il soit brutalement trop tard. À peine franchit-il la cascade, qu’il fut nimbé d’une auréole iridescente. Une réverbération sur la croix de son bouclier nous éblouit. Sans doute á cause de l’œuvre de la sorcellerie, je me retrouvai enchaîné. Tandis que Mater essayait de me libérer, le paladin l’attaqua par surprise, luis transperçant la poitrine sans pitié. Il y avait encore de la vie dans ses yeux glauques quand il lui trancha la tête. Après m’avoir adressé un regard consterné, Ingegerd sauta prestement sur la croupe de coursier malfaisant et m’abandonna là. Je restai seul, rugissant, impuissant vis-à-vis d’un de ces homicides qui en appellent à la justice du Ciel et d’une de ces trahisons qui glacent l’âme.
Je suis Aureo Draco, le fils aîné de Mater Ignea. Ces misérables me connaissent sous le nom de Gyllene Draken. Désormais, ils me connaîtront pur ma colère. Is paieront leur affront dans le sang de leurs enfants. Et dans celui des enfants de leurs enfants. L’éclipse se produit, déjà. Un nouvel ordre vient de commencer.

[1] Traduction de l’espagnol (Argentine) Caroline Lepage et Nadia Salif par Lectures d’aulliers- Lectures d’Argentine-Nouvelles et microrécits-Auteurs argentins du XXIsiècle

© Pablo Martínez Burkett 






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